Extrait de la lettre aux adolescents de Sarah Roubato qui s’invite quotidiennement dans ma pratique de coach d’orientation avec les lycéens.
« Voilà des années qu’on te pose cette question : qu’est ce que tu veux faire plus tard ? Et pour celui qui te la pose, cela ne se réduit qu’à une seule chose : ton métier. On te demande quel métier tu veux faire sans même t’avoir présenté toutes les possibilités, puisque voilà dix ans qu’on t’enseigne les mêmes matières à l’école.
Moi j’aurais une autre question à te poser. Quel est le verbe de ta vie ? Pas le métier, non, le verbe. C’est lui qui va tracer les chemins de ta vie. Oui je dis bien les chemins, car dans le monde de demain, avoir plusieurs chemins de vie, de carrière, de métier, ne sera pas réservé aux atypiques. J’en rencontre tous les jours : des ingénieurs qui deviennent boulanger, des comédiens qui deviennent pilote, des avocats qui deviennent activiste dans une association. À toi qui changes d’avis, qui n’es pas sûr d’être un littéraire ou un scientifique – comme si les deux étaient incompatibles ! – on te dira que tu devrais te décider.
Et si on regardait ça autrement ? En se disant que ceux qui s’intéressent à des domaines différents, qui sont capables d’aller de l’un à l’autre, qui savent s’adapter à de nouveaux contextes, à d’autres manières de faire, sont des multi-potentialistes. Des gens qui amèneront le savoir qu’ils ont acquis dans un domaine dans un autre. Des gens qui ouvrent les horizons, qui fabriquent de nouveaux potentiels. Mais il y a quelque chose qui rend logique leurs bifurcations : leur verbe.
Peu importe que ce soit dans une entreprise, une association, une forêt, une école ou une scène, tu feras toujours ce qui te correspond, si tu trouves ton verbe. Si le verbe de ta vie c’est aider, tu pourras autant être avocat, médecin urgentiste ou travailler dans une ONG. Si c’est transmettre, tu pourras être enseignant aussi bien que journaliste ou comédien.
Veux-tu découvrir des choses tel un archéologue, un historien, un chimiste ou encore un biologiste. Veux-tu en inventer ? Ingénieur, magicien… Veux-tu les exprimer ? Ecrivain, musicien, artiste,.. ou les analyser ? Editorialiste, analyste politique, sociologue…
Veux-tu soigner, guérir, protéger, défendre ? Bien sûr, après, il faut affiner. Trouver la matière dans laquelle ton verbe va agir : les mots, le corps, l’image, la nourriture, les animaux. Chacun est plus ou moins sensible à une matière. Tu peux être un inventeur génial de jeux vidéos ou de pâtisseries. Tu peux combiner tes savoirs-faires : créer des jeux vidéos et en faire la musique, sculpter tes pâtisseries en oeuvres d’art. Et puis il faut se poser aussi la question de ton mode de vie : veux-tu des horaires fixes ou irrégulières, veux-tu rester au même endroit ou bouger, travailler à l’extérieur ou dedans ?
Et enfin, mais peut-être surtout, savoir au service de quoi tu mets ton verbe : du système capitaliste de production de richesse qui met en compétition les individus, qui détruit la terre et ses êtres vivants, ou bien d’un autre système basé sur le respect du vivant et l’entraide ?
Prends le temps de te tromper ! Tu as le droit de te tromper. Si tu ne le fais pas avant trente ans, tu le feras quand ? Mais il y a une chose que tu n’as pas le droit de faire: tricher avec ton rêve. Pose-toi cette question tous les jours : qu’est-ce que j’ai fait pour mon rêve aujourd’hui, et en quoi s’occupe-t-il de la beauté du monde ?
Et surtout ne vas pas croire que certains rêves valent mieux que d’autres, sous prétexte que les chemins sont déjà tracés à l’école ».
Un grand merci à ma collègue Anne de Vanssay pour le partage de cette merveilleuse lettre. Pour lire toute la lettre : www.sensenequilibre.com/post/trouve-le-verbe-de-ta-vie